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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 16:04

rédigé le 12-11-2012

 

Ce mois de novembre 2012 ainsi nommé, en raison de décisions drastiques d'austérité, finira bien par céder le pas à décembre. Ce qui ne signifie pas pour autant que ce qui a amené à désigner ce novembre comme étant noir, va prendre fin, le 30 du mois, à minuit. Les dommages collatéraux de la crise vont continuer, voire même s’intensifier. Une femme s’est suicidée plutôt que d’avoir à dormir dehors. Des sdf mourront cet hiver faute de chaleur et de nourriture. Et parmi les personnes qui ont encore un toit, combien pourront se chauffer, et manger à leur faim, sans tomber dans un état de faiblesse, sans développer de carences ?

 

« Dommages collatéraux », quelle expression froide finalement pour expliquer toutes les misères humaines qu’elle désigne. Des termes qui, par la force magique des mots, semblent pouvoir amoindrir, gommer, expliquer, voire même justifier, l’inacceptable. Que, aujourd’hui, on peut encore « avoir faim et avoir froid ». Et en mourir. Même si, il y a plus de 20 ans, Coluche et ses Enfoirés ont stigmatisé l’opinion en chanson, en actions, pour rappeler cette évidence, pour dénoncer de mauvaises gestions et un « je-m’en-foutisme » économique comme politique face à des vies humaines ravalées à ces œufs « qu’il-faut-bien » casser pour faire une omelette.

 

Des oeufs pour faire une omelette, des unités de rentabilité, plutôt que des êtres humains ... Discours économique, avec l'économie, comme fin qui justifie tous les moyens, comme Absolu, comme Dieu, comme but évolutif final .... Discours commode (mais pour qui au fait ?) qui a fini par nous conditionner ; par conditionner notre perception de la réalité, de nous-mêmes et des autres, en tant qu'humains. Le tout résumé à l’Economie.

 

Et donc, « quand  je pense à toi, je pense à moi » et bien, ça me fait peur, cette perspective de misère que tu me brandis sous le nez ; même si la peur, le rejet et le déni ne me protègeront de rien. Ni de ta misère, ni de mes angoisses, ni de la réalité ambiante, concrète et mortifère. Ni d’une réalité humaine que l'on tend à vouloir repousser vers l’oubli par les paillettes et l’asepsie. La mort, ça n’arrive qu’aux autres. Surtout cette mort-là ... par la misère qui ne doit arriver qu'aux autres ....

 

Alors, si ta misère qui s’étale dans mes journaux, dans ma ville, sur mon seuil me dérange, c’est parce qu’elle est trop proche et trop vraie. Les petits Africains qui meurent de faim, c’est loin, dans un autre pays, un autre monde et un autre temps d’une certaine façon ; ça ne peut m’atteindre, me contaminer. Aussi, je peux regarder leur misère sans en avoir peur, et même en étant ému(e). Mais pas la tienne, chômeur ou allocataire ; et encore moins la tienne, sans-abri.

 

Alors, c’est réconfortant de pouvoir dire que si tu en es arrivé à cela, c’est de ta faute. Parce que si c’est jamais la faute à « pas-de-bol », parce que si c’est la faute de la crise, ou du système, alors, ça peut m’arriver aussi. Et ça, je ne peux pas le voir, je ne peux pas l’entendre. Je ne veux pas le croire. Je préfère me persuader que je suis à l’abri derrière les écrans de fumée qu’on me distille à la télé ; tu sais ceux qu’on agite aux vents de nos frustrations et de nos colères pour détourner notre regard de ces problèmes qui nous effraient. Alors, je préfère nier. Te montrer du doigt ou alors, viser d’autres boucs émissaires. Ça soulage, ça trompe l’angoisse de se tromper de colère. Même si ça ne te créera pas un boulot ; même si ça ne te ramènera pas un dodo au chaud, ni un de quoi manger ni de te soigner.

 

Mais ça ne permettra pas non plus de dire « non ! ». De dire « non ! » aux mensonges comme aux promesses non tenues. A des choix qui ont été faits sans transparence, à l’insu de notre plein gré. Des décisions qui, au final, nous ont tous pris en otage, qui nous concernent tous que ce soit à court ou à long terme. Parce que l'on a spéculé – au propre comme au figuré - sur notre avenir, sur nos vies. Et pas pour notre bien ! Même s’ils disent nous comprendre, nous aimer. Même s’ils sont humains « comme ils di-iii-sent»« Caramels, bonbons et chocolats », qui ne coûtent rien. « Parole, parole, parole ».


Paroles, qui, à bien y regarder - même plus besoin de le faire de près -, ne correspondent pas aux faits, à la réalité. Ne servent ni nos intérêts, ni nos vies, ni nos espoirs.

 

En 2011, le formateur a écrit : 

«     « Dans le cadre de son Programme national de réforme, la Belgique s’est engagée à atteindre un taux d’emploi de 73,2% en 2020. Cet objectif ambitieux nécessite d’augmenter  de plus de 5% le taux d’emploi de 2011 (67,8%), ce qui représente la création de 250.000 emplois supplémentaires à l’horizon 2015 (soit  62.500 emplois chaque année entre 2012 et 2015). ».

«    

Un tout petit extrait d’intention d’une note dont on constate qu’un an et demi plus tard, on est loin, très loin d’être arrivés !

 

Les faits à considérer, en regard de cet exemple, sont : si ces emplois sont à créer, c’est qu’ils manquent, et donc, qu’à ce moment, au moins 250.000 – ¼ de million – de personnes étaient au chômage, non par volonté ou par paresse, mais parce qu’il manquait 250.000 postes à pourvoir !!! Que dire de ce nombre en novembre 2012 ? Que dire de ce nombre en regard du programme de création d’emploi, s’engageant à créer « soit  62.500 emplois chaque année entre 2012 et 2015 » ?

 

Peut-être serait-il temps de rappeler que le travail n’est pas seulement une obligation morale, un Devoir. Mais également un Droit. Inscrit comme tel, déjà dans la Constitution de l’Etat belge. Et je ne parle même pas de la « Déclaration des Droits de l’Homme ». Alors, c’est facile de dire à ceux qui n’ont pas d’emploi, « yaka travailler », quand il n’y a plus assez de postes pour tout le monde ! Parce que, en amont, on n’aura pas favorisé le maintien pas plus que la création d’emplois en suffisance comme nécessaires pour que chacun soit en mesure de gagner décemment sa vie.

 

Et qu’il a été préféré de consacrer d’abord et surtout argent et énergie à sauver des banques. A faire des économies de bouts de chandelle, en ratiocinant sur les budgets sociaux, sur celui de l’enseignement, sur celui de la santé comme de la culture ; de tout ce qui permet aux citoyens et humains que nous sommes de vivre et d’évouler. Au nom d’une économie qui évacue de plus en plus d’entre nous, qui élimine progressivement la classe moyenne, qui marginalise des personnes qui n’ont pas choisi ce mode-là, qui broie des existences humaines. Pour une économie qui ne fonctionne pas pour les gens mais pour quelques-uns et pour elle-même, comme une entité à fois divine et infernale. Au paradis duquel pourtant, le serpent est déjà en train de se mordre la queue ; et à même commencer à s’avaler, à se cannibaliser.

 

Alors que ça me plaise ou non, que ça vous plaise ou non, ce sont des faits ! Qui tissent notre réalité, à tous.

 

Et si parmi nous de plus en plus de nos concitoyens ne peuvent plus gagner leur vie, et bien quoi ? Qu’ils crèvent ? Qu’ils meurent ? On en est arrivés là ? Par peur de perdre, par peur de dire, par peur de …, par peur … ! De dire non !

 

Et déjà : non, aujourd’hui, comme hier, au temps où d’autres l’ont scandé, on n’a plus le droit d’avoir faim ni d’avoir froid !

 

Pascale Ernest (tous droits réservés).

 

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Published by outrepresse